Bouilloire en fonte, atelier Ryūbundō 龍文堂, Kyōto – Japon, vers 1890-1910

Fonte de fer moulée à la cire perdue, couvercle en bronze patiné à bouton ajouré en forme de lotus.

Signature gravée sous le couvercle : 龍文堂造 (Ryūbundō zō, « fabriqué par Ryūbundō »).

H. totale avec anse : env. 22 cm

Bouilloire en fonte (tetsubin) issue de l’atelier Ryūbundō, célèbre à Kyōto dès la fin d’Edo pour ses fontes d’art d’une grande virtuosité. Le corps, à surface irrégulière de type iwa-hada (« peau de pierre »), présente deux faces en contraste : l’une ornée d’un décor en fort relief de bambous s’élevant d’un sol rocheux ; l’autre moulée d’un poème en caractères chinois stylisés. Cette alternance du motif naturaliste et de la calligraphie traduit l’esprit lettré propre à Kyōto, où la poésie, la nature et l’objet du thé se répondent.

Fondé au XVIIIᵉ siècle par Shikata Ryūbun, l’atelier Ryūbundō se distingua par l’usage de la cire perdue appliquée au fer et par une conception profondément artistique de la fonte. Les maîtres successifs furent non seulement des artisans, mais aussi des peintres, des poètes et des sinologues, nourrissant leur travail de références érudites. Leur recherche d’un équilibre entre poésie et matière donna naissance à des objets d’une grande subtilité, célébrés tant au Japon qu’en Occident.

Les bouilloires Ryūbundō furent présentées avec succès lors des expositions nationales et universelles de la fin du XIXᵉ siècle, où elles incarnaient l’union de la technique japonaise et du goût artistique moderne. L’écrivain Natsume Sōseki évoque d’ailleurs Ryūbundō dans ses romans du début du XXᵉ siècle, mentionnant leurs bouilloires comme le sommet du raffinement dans l’art du thé.

Par sa composition poétique et la tension entre rugosité et raffinement, cette bouilloire incarne la synthèse du goût lettré et de la sensibilité wabi-sabi propre à Kyōto vers 1900. Des modèles comparables sont conservés au British Museum et au Musée national de Kyōto.